
Marjorie Lee Browne (1914-1979) fut l’une des trois premières femmes afro-américaines à obtenir un doctorat en mathématiques.
par Patricia Sorya
Browne s’illustra par sa carrière d’enseignante aux études supérieures et de cadre académique à travers laquelle elle mit en valeur l’accès à l’éducation aux femmes et aux minorités. Elle publia à cet égard des fascicules destinés aux enseignant·e·s en mathématiques sur la théorie des ensembles, la logique mathématique et l’algèbre linéaire. Sa recherche en mathématiques fondamentales porta sur les groupes topologiques.
Biographie
Marjorie Lee Browne naquit en 1914 à Memphis, au Tennessee. C’est dès son jeune âge qu’elle démontra un intérêt pour les mathématiques. Encouragée par son père à poursuivre une carrière dans le domaine, elle obtint en 1935 un baccalauréat en mathématiques de l’Université Howard, une des universités fondées pendant l’ère ségrégationniste accueillant les étudiant·e·s afro-américain·e·s, dont l’accès aux campus blancs leur était interdit.
Avant d’entamer ses études graduées, elle enseigna les mathématiques au niveau secondaire pendant une année. Elle compléta sa maîtrise à l’Université du Michigan en 1939, puis elle décrocha un poste d’enseignement au Collège Wiley au Texas. Pendant les années qui suivirent, elle conjugua travail et études, effectuant à chaque session d’été l’aller-retour Texas-Michigan pour poursuivre ses études doctorales. Browne soutint sa thèse On One Parameter Subgroups in Certain Topological and Matrix Groups sous la supervision de George Yuri Rainich en 1949.
Immédiatement après l’obtention de son doctorat en 1950, Browne se joignit au North Carolina College, aujourd’hui la North Carolina Central University, où elle fut nommée directrice du département de mathématiques. Elle conserva ce poste pendant vingt ans et continua à enseigner des cours gradués et de premier cycle jusqu’à sa retraite, en 1979. À travers ces années, elle supervisa dix étudiant·e·s à la maîtrise et fut responsable du programme de formation des enseignant·e·s en mathématiques. Elle publia quatre fascicules à leur intention: Sets, Logic, and Mathematical Thought (1957), Introduction to Linear Algebra (1959), Elementary Matrix Algebra (1969) et Algebraic Structures (1974).
Browne fut une mentor hors pair: elle encouragea et supporta ses étudiant·e·s non seulement académiquement, mais aussi financièrement, que ce soit en remportant de prestigieuses bourses pour sa faculté ou en faisant don de ses propres avoirs. Tout au long de sa carrière, elle sacrifia une grande partie de sa recherche personnelle au profit de la réussite de ses étudiant·e·s. Elle planifia donc à sa retraite de se consacrer à la rédaction d’un livre sur le système des nombres réels. Ce projet ne vit malheureusement pas le jour, car Marjorie Lee Browne décéda subitement d’une crise cardiaque en 1979, à l’âge de 65 ans.
La North Carolina Central University a établi en son honneur le Fonds fiduciaire Marjorie Lee Browne, qui octroie des bourses d’études et finance des projets étudiants en mathématiques.
Capsule mathématique
L’article A Note on the Classical Groups publié en 1955 par Marjorie Lee Browne porte sur les groupes matriciels suivants, appelés groupes classiques:
et
, ensembles des matrices inversibles à coefficients complexes et réels respectivement;
et
, sous-groupes de
et de
respectivement, formés des matrices de déterminant 1;
, sous-groupe de
des matrices
telles que
, où
est le conjugué complexe de la matrice transposée de
;
, sous-groupe de
dont les matrices sont de déterminant 1;
, sous-groupe de
des matrices
telles que
;
, sous-groupe de
des matrices de déterminant 1.
Browne établit une décomposition de en un produit de quatre espaces topologiques. Ceci mène à une démonstration simple et élégante de propriétés topologiques des groupes classiques susmentionnés, étant tous sous-groupes de
.
Par exemple, en tant qu’espace topologique, un groupe matriciel est connexe s’il existe pour toute paire de points
un chemin contenu dans
qui les relie. On déduit de la décomposition de
que la composante connexe de l’identité de
est homéomorphe à
; il s’ensuit que
est connexe, par continuité de la projection sur la première composante d’un produit topologique.
En plus de la connexité, Browne traite des rétracts par déformation et du type homotopique des groupes classiques. De façon générale, ces propriétés topologiques permettent de différencier un espace d’un autre et d’en relever certaines similitudes. La topologie des groupes matriciels joue un rôle important en géométrie différentielle.
Browne, M. L. (1955). A note on the classical groups. American Mathematical Monthly,62, 424-427.
Kenschaft, P. (1980, octobre). Marjorie Lee Browne : In memoriam.Association for Women in Mathematics Newsletter,10(5).
Morrow, C., & Perl, T. (1998). Notable women in mathematics : A biographical dictionary. In (p. 21-25). Westport, CT : Greenwood Press.